« Lee, approche. Approche encore. Viens me voir. » J'étais là, avec mon grand-père, avec mes cheveux courts et ma salopette en jean. Pas le prototype de la petite-fille habituelle. J'ai fais les quelques pas qui me séparaient de Papi, curieuse à propos de ce qu'il allait me montrer. Je baissai les yeux sur l'objet qu'il souhaitant tant me montrer. Un anneau en bois et un filet lâche, dessous pendant des breloques polies et brillantes, qui captaient très bien la lumière du soleil. Au sol, l'ombre projetée était illuminé de plusieurs couleurs. J'étais fascinée. Je posais une main dessus, touchant, glissant, m'imprégnant de la sensation, de sa texture. Je levai des yeux très bleus vers mon grand-père, qui sourit tendrement, avant de me demander : « Sais-tu ce que c'est, petit ange ? » Je lui annonçai que non, de la tête. « C'est un dreamcatcher, ou "attrapeur de rêves". Il est généralement fait en bois de saule, et éloigne les esprits et mauvais rêves. Il agit comme un filtre, il conserve les belles images de la nuit et brûle les mauvaises aux premières lueurs du jour. Il est originaire d'Amérique du Nord, c'est un objet artisanal ojibwé appelé asubakatchin. » Je l'avais écouté avec attention, m'imaginant les hommes du village amérindien, taillant et polissant cet objet symbolique et précieux. Les femmes brodant des pierres précieuses, des plumes chatoyantes, des toutes petites sculptures ou totems. Et je crois que c'est ce jour là que j'ai compris que je voudrais être comme mon grand-père. Dénicher des objets précieux, apprendre et comprendre leur histoire, leur voyage jusqu'à nous.

« Nous célébrons aujourd'hui les funérailles de Lee Heath Holmes-Bluebell. Je crois que personne n'oubliera son petit sourire malicieux, ses yeux pétillants et son amour de la vie. Tout le monde à Londres savait exactement où le trouver. Dans son magasin, l'antiquaire passait ses journées à réparer des objets rares. Qui n'a jamais eu le bonheur de l'entendre raconter des merveilleuses histoires sur la provenance de ses produits ? Il savait tout sur.. » Je n'écoutais plus. Je ne crois même pas avoir entendu correctement les paroles du maire de Londres. Des perles glaçées et brillantes brillaient et dévalaient mes joues rougies par le froid. Les feuilles d'automne, orangées, flottaient au gré du vent, jusqu'à leur arrivée à destination. Nous étions tous rassemblés dans l'église, de noir vêtus. Le corps de mon grand-père était posé sur l'autel, étendu de tout son long, les bras se rejoignant sur son abdomen. Il semblait encore plus paisible que d'habitude, et dormait, d'un sommeil sans fin. Je reniflai peu soigneusement, mais je pense qu'à ce moment-là, la majorité des gens présents s'en fichaient royalement. Soudain, je me levai de ma chaise et partit en courant. Je n'en pouvais plus. De voir ce corps froid et inanimé, ce corps âgé que je n'aurai plus l'occasion d'enlacer. Cette oreille fripée dans laquelle je n'aurai plus l'occasion de raconter un petit secret. Une odeur de forêt et d'agrumes que je n'aurai plus l'occasion de sentir. Et je me suis mise à marcher, longtemps, sans but, ne regardant même pas devant moi. Je suis arrivée devant la boutique d'antiquités de Lee Holmes-Bluebell. « Melancholic Garden ». Je suis restée quelques heures devant, puis j'ai sorti le double des clés que je possédais, et je suis rentrée dedans. Cette odeur de vieux, d'antique. Ses objets par centaines, alignés consciencieusement sur les étagères. Les pierres précieuses, les montres de Lords, les armes préhistoriques, les produits en or, les rivières de bijoux, et autres babioles, qui avaient pourtant une grande valeur. Je suis passée partout, m'imprégnant du lieu, de l'atmosphère presque mystique. Et je suis tombée sur l'attrapeur de rêve, qui reposait fièrement contre un mur, à la hauteur de mes yeux. Je l'ai décroché, et je l'ai emmené avec moi. En même tant que la décision de reprendre la boutique de mon grand-père. Et personne ne put m'arrêter.