AOÛT 2011,
FBI Academy, Quantico, Virginie«
Les quelques semaines que vous avez passées ici étaient les dernières en tant que simples officiers. A compter d'aujourd'hui, vous entrez officiellement au FBI. »
La joie de cet instant était indescriptible. Au milieu de tous ces agents, tous aussi chevronnés les uns que les autres, voilà que je devenais enfin agent du FBI. Ca avait été mon rêve. Pendant des années. Depuis que j'étais entrée dans la police, à vrai dire. Faire la circulation, mettre des contraventions... Ca n'était pas pour ça que je m'étais engagée pour la police, mais bel et bien pour arrêter des criminels, et les empêcher de nuire. Je ne voulais pas m'arrêter à de petits délinquants, mais bel et bien me débarrasser des plus grands monstres qui pouvaient sévir sur le sol Américain. Ambitieuse ? Je l'étais, sans aucun doute. C'était ce qui m'avait conduite jusqu'ici. Ce qui m'avait poussée à reprendre mes études, afin de pouvoir passer les tests d'aptitude et de pouvoir entrer au FBI. Etape par étape, j'avais tout réussi. Supporté les difficultés, et la fatigue de l'entrainement, jusqu'à en arriver là : l'accomplissement d'un rêve. J'enfilai le tailleur que j'avais spécialement choisie pour la cérémonie qui ferait de moi un agent à part entière lorsque Devon, qui avait été mon colocataire pendant toutes ces semaines d’entraînement, me lança, avec une pointe d'admiration dans la voix :
«
Regarde-toi. 23 ans, et déjà agent du FBI. Y'a de quoi faire pas mal d'envieux. Tes parents doivent être fiers de toi, Donovan ! »
Je lui adressai un vague sourire, avant de hocher la tête. Il était loin de la vérité. Mes parents étaient loin d'être fiers de moi, loin de m'encourager dans cette voie que j'avais suivie. Mais devon l'ignorait. Comme la plupart de mes camarades, collègues, et amis. Je n'avais pas pour habitude d'étaler ma vie privée. Mes parents étaient généralement un sujet sensible. Pas que je sois la seule pour qui ce soit le cas. Mon père était une ordure de première : le genre d'homme à tromper sa femme, et à abuser de sa fille âgée de seulement 7 ans. Mon père n'avait pas l'âme d'un père. Plutôt l'âme d'un monstre. J'avais découvert ça à mes dépends, alors que je n'étais encore qu'une enfant. Dire que je le détestais était un euphémisme. Ma mère, elle, avait l'âme d'une lâche. J'avais tiré un trait sur eux depuis des années maintenant. Quand j'avais eu l'âge de prendre mon courage à deux mains et d'avouer les atrocités que m'avait fait vivre mon père pendant des années, ma mère m'avait tourné le dos, refusant d'accepter que l'homme qu'elle aimait – l'homme de sa vie – n'était rien de plus qu'un monstre. J'avais alors perdu mon père, qui avait fini par écoper d'une peine de prison, et ma mère, pour qui l'affront que j'avais porté à notre famille et à mon père restait impardonnable.
Ni l'un ni l'autre ne faisaient partie de ma vie désormais. Et je n'avais personne avec qui partager la joie de cet instant. Personne, si ce n'est quelques amis et collègues. Avec le temps, j'avais cependant fini par m'accommoder de cette solitude, de cette vie sans attache qui, au final, me correspondait parfaitement. L'amour ? Ca n'était pas pour moi. J'avais fini par m'en convaincre après avoir essuyé plusieurs échecs amoureux. Ma vie se résumait à un seul mot : mon travail. J'étais loin d'imaginer que ce jour marquerait celui d'un nouveau départ, placé sous le signe du changement...
__________
SEPTEMBRE 2011,
Seattle, Bureaux du FBI Une nouvelle vie s'ouvrait à moi. Dans une nouvelle ville, un nouvel appart. Ce nouveau départ avait beau être perturbant, j'étais déjà toute excitée à l'idée de recommencer à zéro. Mais qui disait nouveau job disait également nouveaux collègues. J'étais quelque peu angoissée à l'idée de débarquer ainsi au milieu de mes collègues. Comme pour enfoncer le clou, l'agent Richards, mon boss, semblait aimer jouer le grand jeu.
«
Bonjour à tous. Je tiens à vous présenter notre nouvelle recrue : l'agent Donovan. », lança-t-il, à l'ensemble des agents présents dans la pièce, réunis spécialement pour l'occasion. Mes futurs collègues me lancèrent d'abord un regard perplexe. 'Elle est pas un peu jeune ?', entendis-je souffler l'un d'entre eux. Un raclement de gorge de la part de Richards suffit à faire taire les chuchotements de tous. «
Elle travaillera avec nous à partir d'aujourd'hui, alors accueillez la chaleureusement et essayez de ne pas vous fier aux apparences, merci »
Tous hochèrent la tête, sans sembler bien convaincus, cependant. Chacun reprit sa place à son bureau, et Richards me désigna le mien d'un signe de tête.
«
Donovan, voici votre bureau. Installez-vous, et venez me voir dans le mien – qui se trouve là-bas – quand ça sera fait, histoire que je vous donne votre badge. Il vous donnera accès au bâtiment. »
Je me contentai d'un léger oui, avant de m'exécuter. Une fois mes affaires installées sur mon bureau, je me dirigeai dans celui de mon supérieur, en pleine conversation téléphonique.
«
Voilà votre badge ! » s'exclama-t-il en raccrochant et en me le lançant alors que je venais à peine de franchir la porte. «
Nous travaillons actuellement sur une grosse affaire, Donovan. Puisque vous n'avez encore aucune expérience du terrain, vous allez rester ici, et ne nous accompagner que lorsque je vous en donnerai l'ordre, c'est compris ? »
«
A vrai dire, je ne m'attendais pas vraiment à me retrouver derrière un bureau- »
«
Vous contestez mes ordres ? »
«
Non, mais je- »
«
Bien ! Alors vous resterez assignée à la paperasse à moins que je vous demande d'aller sur le terrain. Je ne fais pas ça pour vous punir, Donovan, mais pour vous protéger. Vous envoyer sur le terrain, sur cette affaire, et avec votre expérience, ça serait vous envoyer au casse-pipe. », m'expliqua-t-il, comme pour me rassurer, tandis que je tentai de cacher ma déception. «
Allez voir Sam – l'agent Cooper – Il vous briefera sur l'enquête et vous donnera la paperasse à rédiger. »
Sans un mot de plus, je quittai la pièce, tout en tentant – tant bien que mal – de cacher ma frustration. Le rêve que j'avais touché du doigt s'envolait à présent en fumée. Car, j'en étais persuadée, ça n'était pas en restant assise derrière mon bureau que j'arrêterais les criminels.
__________
OCTOBRE 2011,
Seattle, Bureaux du FBI«
Donovan ! Dans mon bureau, tout de suite ! »
Il était rare que l'agent Richards m'appelle de cette manière. En quelques semaines, il m'avait à peine adressé la parole, l'ensemble de mes collègues se contentant de me traiter comme une bleue et comme une sous-fifre dont le travail s'arrêtait aux différents rapports qu'il fallait rédiger. Ainsi, j'étais quelque peu surprise de voir mon patron me porter soudain un quelconque intérêt. Pénétrant dans son bureau, j'aperçus la silhouette d'un homme, que je n'avais encore jamais vu auparavant. Mais à en déduire par sa tenue vestimentaire, j'en déduis dans la seconde qu'il s'agissait d'un agent du FBI.
«
Donovan, je vous présente l'agent O'Brien. Il nous vient de Californie. Il semblerait que l'affaire Sanchez, sur laquelle nous travaillons depuis des mois, soit liée à une affaire qu'il mène de son côté, en Californie. Sanchez serait l'homme de main d'un certain Forsythe. O'Brien est là pour nous aider à appréhender Sanchez et pour nous aider à lui soutirer des informations. Nous allons arrêter Sanchez dans deux jours. Préparez-vous, Donovan. Je veux tous mes agents sur le terrain, vous y compris. Vous resterez avec O'Brien et le brieferez sur toutes les informations que nous avons au sujet de Sanchez. Puisque vous avez rédigé et lu la plupart des rapports, il me semble que vous êtes la mieux placée pour le faire. O'Brien et vous resterez ensemble. Ca vous permettra de lui donner les informations dont il a besoin, et ça m'assurera, en même temps, de votre sécurité. »
Comme si j'avais besoin d'être protégée. Je lui adressai un regard massacrant à sa dernière remarque, regard qu'il releva et auquel il répondit par un regard tout aussi meurtrier.
«
Un problème ? »
«
Aucun, Monsieur. »
«
Bien. Vous et O'Brien pouvez disposer. »
Quittant le bureau de Richards, j'adressai un léger sourire à l'agent O'Brien.
«
Si vous voulez bien me suivre- », commençai-je, tandis qu'il levait déjà les mains pour m'arrêter.
«
Pas de 'vous' entre nous. Nous sommes collègues, nous allons passer les prochains jours ensemble, on peut peut-être s'éviter le vouvoiement et les noms de famille, non ? Moi c'est Danny. », se présenta-t-il, en me tendant la main.
«
Maxim », rétorquai-je, en saisissant sa main pour la serrer. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres.
«
Maxim ? C'est peu commun pour une fille. »
«
Je suis une fille peu commune », rétorquai-je, tandis que je lui indiquais la direction de mon bureau. Sans le savoir, je venais tout juste de mettre les pieds dans la plus grosse affaire de ma vie. L'affaire Forsythe. Une affaire loin d'être aussi simple que les autres...
__________
NOVEMBRE 2011,
Seattle, Lorel's barLa nouvelle venait de tomber : l'agent O'Brien était décédé, la veille. Une nouvelle qui avait bouleversé tout le bureau, et qui m'avait bouleversée plus que les autres. Au cours de sa visite, le mois dernier, Danny et moi avions eu l'occasion de sympathiser. Plus qu'un simple agent, il avait été celui qui m'avait considérée autrement que comme une bleue. De tous les agents, il avait été le premier à me donner ma chance, le premier à me pousser à participer activement à l'enquête, sur le terrain. Sans lui, nous n'aurions jamais pu appréhender Sanchez. Et sans lui, je n'aurais jamais pu faire mes preuves. Bien que je ne le connaissais que très peu, j'avais ce sentiment de vide, depuis l'annonce de sa mort. Un vide que je tentais de combler avec l'alcool, en vain.
«
Boire ne le fera pas revenir » Cette voix m'était familière. Tournant la tête, j'aperçus mon patron, à quelques mètres à côté de moi.
«
Vous me faites la morale ? »
Il eut un léger sourire, avant de secouer la tête.
«
J'ai que ça à faire que de couver mes agents, selon vous ? »
Je baissais la tête, avant de la secouer en guise de réponse. J'étais ridicule. Pire qu'une enfant en pleine rébellion avec son père, j'imaginais que Richards était là pour me faire la morale. Il avait certainement mieux à faire : comme arrêter les criminels, et cet enfoiré de Forsythe.
«
Forsythe n'a pas tué O'Brien », souffla-t-il, comme s'il lisait dans mes pensées.
«
Qu'est-ce que vous en savez ? Vous l'avez dit vous-même : les circonstances de sa mort sont floues. Forsythe est peut-être bien derrière tout ça. »
«
Quand bien même, vous n'auriez rien pu faire pour O'Brien. »
«
Il aurait suffit d'une semaine. Si on avait arrêté Sanchez une semaine plus tard, O'Brien ne serait pas rentré si tôt en Californie et il serait peut-être encore en vie. »
«
Vous n'en savez rien. »
«
Non, vous, vous n'en savez rien. », répliquai-je, agacée à l'idée d'être contredite. Je fis signe au barman de me servir un autre verre, qu'il me servit sans plus attendre, mais je n'en vis pas la couleur.
«
Vous avez assez bu pour ce soir », souffla Richards, en s'emparant de mon verre qu'il avala d'une traite.
«
Vous comptez m'empêcher de boire ? »
«
Je compte vous épargner une bonne gueule de bois. Vous devriez m'en être reconnaissante. Allez, donnez moi vos clés, je vous raccompagne. », lança-t-il, en s'emparant du trousseau que je tenais dans les mains et en m'aidant à me relever pour me diriger vers la sortie.
«
Vous ne savez même pas où j'habite. » lançai-je en pensant l'avoir coincé.
«
Vous oubliez une chose : J'ai accès à votre dossier. », rétorqua-t-il en me faisant grimper dans ma voiture avant de prendre le volant.
__________
LE LENDEMAIN,
Appartement de MaxJe me réveillai avec un mal de crâne atroce. Gardant les yeux fermés comme pour faire passer ce dernier, un bruit dans ma chambre m'obligea à ouvrir un œil... pour apercevoir mon patron dans la pièce.
«
Qu'est-ce que vous faites ici ? », m'écriai-je, en me redressant immédiatement. Malheureusement pour moi, mes gestes étant trop brusques, je me retrouvai bien rapidement assise sur mon lit, le mal de tête reprenant vite le dessus.
«
Doucement », souffla-t-il, en s'approchant. «
Tenez, buvez ça. » je m'emparai du verre qu'il me tendait, et je le portai sans plus attendre à mes lèvres. «
J'ai passé la nuit sur votre canapé. Je me suis dit qu'un petit remontant vous aiderait à affronter la dure journée qui nous attend. »
«
Quelle heure est-il ? »
«
Six heures. Ca vous laisse largement le temps de vous préparer avant d'aller au bureau. »
«
Je ne me sens pas en état d'aller travailler. »
«
Manque de chance, c'est moi qui décide. Et je dis que vous serez parfaitement en état – buvez tout. »
M'exécutant avec difficulté – ce qu'il m'avait préparé était infect -, je redressai finalement la tête pour croiser son regard.
«
Merci. »
«
Pour vous avoir raccompagnée, avoir nettoyé votre vomi, ou vous aider à faire passer cette gueule de bois ? »
«
Oh mon dieu... j'ai vomi ? »
«
Plutôt deux fois qu'une. Une fois sur mes chaussures, et une fois sur la moquette du salon. »
Je sentis le rouge me monter aux joues.
«
Je suis vraiment désolée- »
«
C'est pas grave, Donovan. J'vous pardonne. A condition que vous me promettiez une chose : que vous y réfléchirez à deux fois avant de noyer votre chagrin dans l'alcool, la prochaine fois. »
Je me contentai d'un hochement de tête en guise de réponse.
«
Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Je ne suis pas du genre à agir comme ça, habituellement, mais hier, quand j'ai appris sa mort je- »
«
Vous et l'agent O'Brien aviez passé ces dernières semaines ensemble. Il est normal que vous soyez secouée par sa mort. »
«
C'est le premier collègue que je perds. Je sais que je le connaissais à peine mais... ces dernières semaines, il a été le seul à croire en moi, en mes capacités d'agent, le seul à me donner ma chance, à voir autre chose que l'image que les gens peuvent avoir... Grâce à lui, je me suis sentie un agent, à part entière. »
«
Vous êtes un agent à part entière, Donovan. »
«
Parce que rester derrière un bureau à rédiger la paperasse des autres, c'est ce que vous appelez être un agent à part entière ? »
«
Si je vous ai affecté à ce poste, c'était pour vous ménager- »
«
C'est là que vous avez fait erreur : je n'ai pas besoin d'être ménagée. Je suis un agent, comme vous, comme les autres, et je ne devrais pas être mise à l'écart sous prétexte que je sois une fille, ou une nouvelle recrue- »
Le moment était mal choisi. Je le savais. Et pourtant, j'avais besoin de vider mon sac. Besoin de faire savoir à Richards que je n'appréciais pas la façon dont lui et son équipe m'avaient traitée, à mon arrivée.
«
O'Brien avait raison, à votre sujet. Vous êtes un grand agent, Donovan. J'en ai eu la preuve sur l'affaire Sanchez. Mais comprenez bien que je ne pouvais pas vous jeter dans la gueule du loup dès votre arrivée. »
Je le comprenais. Et ce, même si j'avais du mal à l'accepter.
«
Ca veut dire que vous me laisserez enfin aller sur le terrain ? » demandai-je, avec l'espoir que sa réponse ne soit positive.
«
Ca veut dire que je vous laisserai aller sur le terrain... quand j'y serai. » répondit-il, avec un sourire amusé à ma réaction.
Je haussai les épaules. Aller sur le terrain à condition qu'il y soit. Ca n'était pas pire que passer sa journée à faire de la paperasse. Je m'en contenterais. Pour l'instant, du moins.
__________
JANVIER 2012
Seattle, Clay's«
A nous ! » Lança Richards tandis qu'il trinquait avec moi. Sanchez était officiellement derrière les barreaux. Son procès venait de se terminer, et nous avait donné raison. Une grande victoire pour lui, et une première victoire dans notre lutte contre Forsythe, l'homme que Danny avait cherché à coincer quelques mois plus tôt. C'était ce que nous fêtions, officiellement. Officieusement, il y avait bien plus. Une sorte d'attirance, entre nous, qui s'était développée au cours de ces dernières semaines. J'avais passé la plupart de mes journées avec Richards, apprenant à le connaître, à l'apprécier, et bien plus encore. Mon regard plongé dans le sien, je savais qu'il était ridicule de tomber amoureuse de lui, parce que c'était contraire aux règles, et parce qu'il ne ressentait certainement rien à mon égard. Baissant finalement les yeux, je lui souris, avant de prendre mon sac à main.
«
Tu pars déjà ? »
«
Je pense que c'est mieux comme ça. Une longue journée nous attend, demain. »
«
Depuis quand tu te montres raisonnable, Donovan ? Allez, reste. Un verre de plus, et je te laisserais rentrer chez toi. »
Il m'adressa ce regard. Le regard auquel je ne résistais pas. A trente-cinq ans, l'agent Richards restait un bel homme. Un très bel homme, séduisant. Le genre d'homme qui avait certainement déjà quelqu'un dans sa vie, mais j'avais bien rapidement déduit – à nos soirées qui s'éternisaient et au fait qu'il ne portait pas d'alliance – qu'il était célibataire. J'acceptai sa proposition, et reposai mon sac près de moi. Il m'adressa un sourire radieux, avant de commander deux autres verres...
__________
QUELQUES HEURES PLUS TARD,
Appartement de MaxLa soirée s'était éternisée plus que prévue. Richards sur mes talons, je tentai tant bien que mal de marcher droit, tout en prenant appui sur lui. Enfin arrivés devant la porte de mon appartement, je me séparai de lui pour tenter – en vain – d'ouvrir ma porte.
«
Laisse-moi t'aider. » souffla-t-il, en se penchant sur la serrure. Nos souffles se mêlèrent un instant, et je me sentis défaillir. C'était de la torture. L'alcool aidant, je succombai à la tentation et scellai mes lèvres aux siennes, avant de reculer dans la seconde, gênée. J'aurais voulu me cacher. Ne pas croiser son regard, ne plus jamais le croiser de toute ma vie. Que venais-je de faire ? Il allait certainement me trouver ridicule. Je n'eus pas le temps de cogiter plus longtemps que ses lèvres venaient de nouveau se joindre aux miennes... de sa propre initiative, cette fois-ci.
«
On ne peut pas. », soufflai-je, en me séparant de lui.
«
Je sais », rétorqua-t-il, sans pour autant s'éloigner. J'étais consciente qu'on faisait une terrible erreur, et pourtant, j'étais incapable de m'éloigner de lui. Incapable de le repousser. Ce pourquoi je scellai une nouvelle fois mes lèvres aux siennes avant d'entrer dans mon appartement pour le laisser seul sur le seuil de la porte.
__________
QUELQUES JOURS PLUS TARD,
Appartement de DanL'interdit. C'était sans doute ce qui rendait cette relation si grisante, si excitante. Mes lèvres collées aux siennes, je savais que ce que nous faisions n'était pas bien. J'étais consciente que nous ne pouvions pas entretenir une relation amoureuse, et pourtant, c'était bel et bien la tournure que prenaient les événements. Au fil des semaines, Richards était devenu Dan. Bien plus qu'un collègue, qu'un patron, il était devenu l'homme avec lequel je me voyais passer le reste de ma vie. Ce fantasme se serait dissipé s'il n'avait pas répondu à mon baiser, le soir de notre victoire contre Sanchez. Mais ce soir là, j'avais constaté que mes sentiments étaient réciproques. Au lieu de prendre nos distances, nous nous voyions en cachette, dans mon appartement.
«
On ne devrait pas faire ça. », me rappela-t-il pour la énième fois alors que mes lèvres parcouraient son cou.
«
Pourquoi ? », soufflai-je, agacée de toujours entendre le même refrain.
«
Tu sais très bien pourquoi. », rétorqua-t-il, tout aussi conscient que moi que les relations entre collègues étaient strictement interdites.
«
Bien sûr que je sais. », soupirais-je, exaspérée. «
Ce que je veux dire c'est que... Ca n'est pas comme si ça nous empêchait de faire notre boulot. Ca n'est pas parce qu'on s'embrasse qu'on n'est plus professionnels. »
«
C'est tout ce que tu veux faire, m'embrasser ? »
«
Je- Je ne sais pas. »
«
Moi je sais. J'ai envie de bien plus. J'ai envie de vivre avec toi, de prendre soin de toi, de- »
«
Tu ne vas pas un peu trop vite ? » le coupai-je, avec un petit rire forcé.
«
Non. Tu es la femme la plus incroyable que j'ai rencontré. »
J'esquissai un sourire à cette remarque.
«
Tu dis n'importe quoi. »
«
Tu n'as pas idée de l'importance que tu as pris dans ma vie. »
«
Et tu n'as pas idée de celle que tu as pris dans la mienne. »
Il esquissa un sourire avant de poser une nouvelle fois ses lèvres sur les miennes.
«
Qu'est-ce qu'on va faire ? » soufflai-je, entre deux baisers.
«
Je n'en ai pas la moindre idée. En attendant... » Il joint son geste à la parole, déboutonnant lentement mon chemisier.
«
Attends, Dan. », l'arrêtai-je, en m'éloignant de lui.
«
Qu'est-ce qui se passe ? »
«
Il y a une chose qu'il faut que je te dise... »
«
Ca concerne ton père ? », me demanda-t-il. En voyant l'air incrédule que j'arborai, il enchaina, «
Je suis ton patron. J'ai accès à ton dossier. Je sais tout de ton passé... Ta plainte contre ton père se trouve dedans. », m'expliqua-t-il, tandis que je baissai la tête. «
Si tu ne veux pas le faire... »
«
C'est pas ça. C'est juste que... personne ne m'a jamais touchée, à part lui. », confiai-je, légèrement embarrassée.
Il m'adressa un tendre sourire.
«
Tu veux attendre ou- »
«
Non ! Non. Je veux que ce soit toi... le premier, le seul, » Il me coupa par un tendre baiser qui ne fit que me convaincre de ce que je savais déjà : j'étais bel et bien amoureuse de Dan Richards. Et cet amour, aussi beau et aussi fort soit-il, pourrait tout aussi bien nous conduire à notre perte, tous les deux.
__________
MAI 2012,
Seattle, Entrepôt abandonnéLe soulagement. C'est tout ce qui me traversa au moment où les hommes de main de Sanchez m'amenèrent vers Dan. Les mains attachées derrière le dos, à genoux, il semblait plus vulnérable que jamais. Visiblement, ces derniers jours n'avaient pas été une partie de plaisir pour lui et ces ordures avaient tenté de le faire parler. A en déduire par la satisfaction qui les avait habités lorsqu'ils m'avaient aperçue, j'imaginais que Dan n'avait pas parlé. Il était le seul à détenir l'information qu'ils voulaient, le seul à connaître la date et le lieux auxquels Sanchez serait transféré. Son statut lui donnait ce privilège. Sans ménagement, les sbires de Sanchez me jetèrent au sol avant de me ligoter également.
«
Max », souffla Dan, en m'apercevant devant lui. «
Dis moi que tu as amené du renfort »
Je lui adressai un regard désolé avant de secouer la tête. Non, je n'avais pas amené de renfort. J'étais venue seule. Ca faisait 5 jours que Dan avait disparu, 5 jours que toute l'équipe enquêtait sur sa disparition, sans trouver de piste solide. Lasse d'attendre à ne rien faire, je m'étais lancée à sa recherche en solo, en dehors des heures de travail. Et mon enquête avait fini par me mener vers l'ancien repaire de Sanchez. N'écoutant que mon courage et mon amour, j'avais foncé tête baissée, sans prévenir l'un de nos collègues. Une attitude plus que stupide, j'en étais consciente à présent.
«
Tu n'aurais jamais dû faire ça », me reprocha-t-il durement, tandis que je tentai de me défaire de mes liens.
«
J'étais censée faire quoi ? », rétorquai-je, agacée. «
Les laisser te torturer jusqu'à ce qu'ils te tuent ? »
«
J'aurais préféré ça à l'idée que tu te jettes dans la gueule du loup sans personne pour t'aider. »
Je secouais la tête. Il disait n'importe quoi. Il n'avait pas idée de l'importance qu'il avait à mes yeux. Sans quoi, il ne serait pas en train d'évoquer mon éventuelle vie sans lui.
«
On va s'en sortir, ensemble. », lui assurais-je, sans certitude, cependant.
__________
MAI 2012,
Seattle, HôpitalLa douleur. Pendant quelques heures, elle m'avait fait tout oublier. Sous son emprise, je n'avais plus entendu les questions qu'ils me posaient, ni même la voix de Dan qui les suppliait de me laisser partir. La douleur avait pris possession de mon corps, me faisant oublier tout le reste. Sous la torture qu'ils m'infligeaient, j'avais tenté de ne pas hurler, de garder ma bouche fermée pour m'en assurer. Mais l'un des hommes de Sanchez avait fini par s'emparer d'une barre de fer qu'il explosa contre mon genou, me faisant hurler de douleur malgré moi. Mais tout cela n'était rien comparé à la douleur qui m'assaillait à cette instant et ce, malgré les doses de morphine qui m'avaient été injectées. Cette douleur là était toute autre. Cette douleur là paralysait tout mon corps. J'étais incapable de bouger, incapable de réfléchir.
Il était mort. Dan était mort. Sam et les autres avaient fini par nous retrouver grâce aux derniers signaux émis par mon téléphone, mais malheureusement, ils nous avaient retrouvés trop tard. J'entendais à peine les mots que soufflait Sam. Mon cœur était en lambeaux, vide comme il ne l'avait jamais été auparavant. J'aurais voulu mourir. Plonger ma main dans ma poitrine et en arracher définitivement mon cœur, pour cesser de souffrir. Pour cesser de ressentir cette douleur lancinante qui me tuait à petit feu.
«
Je suis désolé, Max », souffla-t-il, finalement, en s'emparant de ma main. «
Je sais que toi et Dan étiez... 'proches'. »
J'avais été amoureuse de lui. Je l'avais aimé, comme je n'avais jamais aimé personne auparavant. Dan avait transformé ma vie. Il m'avait appris à aimer. A m'ouvrir aux autres. Un exploit, pour quiconque me connaissait.
«
Je l'aimais. », soufflai-je, en oubliant l'interdit de cette relation qui nous avait unis.
«
Lui aussi, t'aimait. », me fit-il remarquer, comme pour me réconforter.
«
Je sais. », soupirai-je, avant de fermer un instant les yeux pour me ressaisir et pour empêcher mes larmes de couler. J'aurais voulu mourir avec lui, ce jour là. Mourir, pour ne pas avoir à souffrir autant. Au lieu de ça, j'avais survécu. Mais à présent, ma vie semblait vide de sens. Si vide, que bien rapidement, je trouvai un nouveau sens à celle-ci : venger la mort de Dan. Le venger, en arrêtant celui qui avait mis Sanchez sur sa route. Celui sans qui rien de tout cela ne serait jamais arrivé : Forsythe.